C’est dans l’aire protégée de Jbel Moussa (nord du Maroc) que s’est récemment installée une petite colonie de Vautour fauve (Gyps fulvus), composée de 2 couples adultes et de plusieurs oiseaux subadultes qui ont choisi cet espace naturel proche du détroit de Gibraltar pour reprendre leur cycle de reproduction.
Les experts de l’Association Marocaine pour la Protection des Oiseaux et de la Vie Sauvage (AMPOVIS) basée dans la ville de M’diq en coordination avec l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (DREF-Rif) ainsi que le Département des Parcs et Réserves Naturelles, suivent cet évènement avec beaucoup d’intérêt depuis la fin du mois de janvier 2023 où l’installation du premier couple adulte de vautour fauve sur une paroi rocheuse de Jbel Moussa a été observée et confirmée, 2 semaines plus tard l’installation du deuxième couple a été constatée sur le même territoire suivi par la construction de nid el la pond d’un œuf., cette petite colonie peut s’étendre à 4 ou 5 couples au cours de ce mois.
Cet événement a permis de mettre en évidence la valeur écologique de l’Aire protégée de Jbel Moussa, non seulement en tant que zone de transit pour les vautours immatures entre l’Europe et l’Afrique (environ 10 000 par an), mais aussi en tant que zone de reproduction pour l’espèce.
Selon José Rafael Garrido, expert de la Junta de Andalucía et de l’UICN qui travaille sur l’espèce, cet événement peut être lié à la tendance démographique positive du Vautour fauve en Espagne, dont la population reproductrice se situe entre 31 000 et 37 000 couples parmi les (95 000 / 122 000 individus), soit 90 % de la population européenne (en 2019). Le fait que le nouveau territoire soit très proche des colonies de vautour fauve du Campo de Gibraltar (entre 28 km et 39 km) a favorisé cette installation. Cet événement démontre donc la première colonisation de l’espèce en Afrique du Nord et l’établissement d’un corridor naturel pour les vautours adultes entre le Maroc et l’Espagne et entre l’Europe et l’Afrique.
Les derniers individus reproducteurs de vautour fauve observés au Maroc remontent aux années 1980, la persécution directe, le braconnage et l’utilisation de poison ont conduit à l’extinction de l’espèce dans le pays. Il convient de noter qu’il s’agirait de l’une des rares colonies de reproduction de l’espèce en Afrique du Nord, où l’espèce est classée vulnérable en voie d’extinction selon la liste rouge de l’UICN des rapaces nicheurs de la région, c’est pourquoi il s’est avéré nécessaire et primordial que des actions devraient être mises en place afin d’assurer sa conservation et sa protection. Dans ce sens, cette colonie de vautours a été favorisée par les actions menées par l’Agence National des Eaux et Forêts dans le centre de réhabilitation des vautours (CRV Jbel Moussa) au moins depuis 2020. Ainsi, l’équipe de gestion du CRV-Jbel Moussa a réussi à rendre la zone attrayante pour l’espèce grâce à l’apport continu de nourriture, ce qui a incité les vautours en dispersion et les vautours de la population reproductrice voisine du sud de l’Espagne à s’y installer pour s’y reproduire.
En outre, en 2020, un programme de réintroduction de l’espèce a été mis en œuvre par l’Agence National des Eaux et Forêts en collaboration avec l’unité régionale de GREPOM Birdlife au Centre de Réhabilitation des Vautours (CRV Jbel Moussa), avec le lâcher d’Adultes, dans les années 2021 et 2022, l’espèce a tenté de se reproduire mais elle n’a pas eu de succès reproductif à cause du dérangement humain.
L’installation du Vautour fauve dans l’Aire Protégée du Jbel Moussa n’a pas surpris les ornithologues spécialistes des oiseaux nécrophages, explique M Rachid El Khamlichi président de l’AMPOVIS, qui travaille depuis plus d’une décennie sur l’espèce a Jbel Moussa, en étudiant sa phénologie de migration et en contribuant à sa conservation ainsi qui d’autres espèces comme le Vautour de Rüppell (espèce originaire de l’Afrique subsaharienne classée en danger critique d’extinction), qui fait aujourd’hui l’objet d’un suivi particulier par l’AMPOVIS en partenariat avec l’ANEF dans le cadre du projet intitulée « Contribution à la conservation du Vautour de Rüppell et la valorisation de Birdwatching dans AP de Jbel Moussa » du programme PPIOSCAN3 de l’UICN.
En attendant, l’installation du vautour fauve dans l’Aire Protégée de Jbel Moussa est actuellement très sensible à toute altération et constitue le début d’une longue trajectoire dont l’objectif est d’établir une population viable qui servira de point de départ pour s’étendre à d’autres sites naturels du pays, contribuant ainsi à la réalisation des objectifs fixés pour le rétablissement de l’espèce dans la stratégie nationale de conservation des oiseaux de proie.
Les oiseaux charognards se nourrissent d’animaux morts et jouent un rôle essentiel dans le maintien et le bon fonctionnement des écosystèmes et limitent la propagation des maladies.